mardi 13 décembre 2011

Conférence du Dimanche 8 janvier 2012 : "Eva de Vitray lectrice d'Iqbal : l'ideal et la sociologie".

Chers amis,

L'association des amis d'eva de vitray Meyerovitch organise une conférence le dimanche 8 janvier 2012 au Forum 104 à partir de 14H30 :

"Eva de Vitray lectrice d'Iqbal: l'ideal et la sociologie".

Conférence de Souleymane Bachir Diagne, Professeur à l’Université Columbia, New York. Enseigne notamment,l’histoire de la philosophie en islam. Auteur de « Islam et société ouverte, la fidélité et le mouvement dans la pensée de Muhammad Iqbal », Maisonneuve et Larose, 2001.

Muhammad Iqbal, philosophe, poète et a-t-on dit « visionnaire », sans doute parce que sa réflexion, dès 1930, a contribué à la création du Pakistan en 1947. Son ouvrage intitulé «  La pensée religieuse en islam » analyse la multiplicité des courants de pensée ou d’interprétation qui traversent l’islam aujourd’hui, entre tradition et modernité, rigueur et tolérance, fondamentalisme et extrémisme. Il invitait dès avant la seconde guerre mondiale les musulmans du monde entier à « Repenser le système de l’islam tout entier sans rompre avec le passé ».
C’est en découvrant, sur la recommandation d’un ami pakistanais, la pensée de Muhammad Iqbal qu’Eva de Vitray Meyerovitch a choisi la voie de l’islam et du soufisme.

14h30, Conférence de Souleymane Bachir Diagne sur "Eva de Vitray lectrice d'Iqbal : l'idéal et la sociologie"

16h30 séance de Qawwali* avec le groupe  B2 Banger, originaire du Penjab, qui restaure cette tradition dans le tissu de la communauté indienne de France.

17h15 Thé à la menthe

Le Qawwali est le nom des chants soufis de l’Inde du Nord et du Pakistan.Introduit en Europe par Nusrat Fateh Ali Khan, c’est au 13° siècle qu’Amir Kusro inaugurait la mise en musique des louanges à Dieu, parfois décriée par les musulmans traditionnels. Cette transmission orale et musicale y mêle des éléments de folklore ou des poèmes en persan, Ourdou, Hindi, Penjabi.

Après-midi organisée par l'association des Amis d’Eva de Vitray Meyerovitch.

Participation : 10 euros, 7 euros pour les adhérents et les chômeurs ou les personnes en difficulté financière.

Lieu : Forum Vaugirard, salle des Glycines, 104 rue de Vaugirard. 75006 Paris.
Métro Saint-Placide (ligne 4) ou métro Duroc (ligne 10 et 13)

vendredi 27 mai 2011

Eva de Vitray-Meyerovitch, un itinéraire de Platon à Rûmî

Par Jean-Louis Girotto

Eva Lamacque de Vitray est née en 1909 près de Paris dans une famille catholique issue de la moyenne bourgeoisie dont une partie avait une ascendance aristocratique. Très jeune, elle fréquenta des institutions tenues par les religieuses qui accueillaient les enfants de familles les plus nanties en leur imposant une discipline stricte et une morale rigoureuse. La jeune adolescente qu’était Eva éprouvait beaucoup d’agacement devant l’étroitesse des repères qu’on lui proposait. Cependant, elle était nourrie par une foi sincère qui puisait à une source nichée au plus profond d’elle-même, bien au-delà des apparences extérieures. Eva éprouvait un ardent besoin de vivre des expériences de nature spirituelle. Bien qu’elle ait été élevée de façon conventionnelle, il jaillissait de sa bouche des formulations inattendues qui étaient reçues par les membres du clergé dans la plus grande perplexité. Par exemple, à l’âge de 12 ans, elle avoua à son confesseur qu’elle avait parfois l’impression de vivre des situations qui lui étaient familières, un peu comme si elle les avait déjà vécues dans un passé inconnu. Elle avait le pressentiment d’être venue sur terre avec quelque chose en elle qu’elle portait depuis longtemps. Les vagues réponses à ses interrogations qu’elle reçut de la part des représentants du catholicisme furent bien loin de la satisfaire.

Le puissant attrait qu’éprouvait Eva pour tout ce qui touchait aux vies antérieures et au mystère de la connaissance s’amplifia avec l’adolescence. Les questions se bousculaient dans son esprit. En quoi consiste l’acte d’apprendre ? Quels sont les mécanismes en jeu dans l’acquisition d’une nouvelle connaissance ? Comment peut-on désirer connaître une chose dont nous ne possédons aucune idée préalable ? Pourquoi est-on attiré par cet Absolu qui nous dépasse infiniment ? Eva réussit brillamment sa licence de droit et s’orienta vers un doctorat de philosophie avec un sujet centré autour du grand philosophe de l’antiquité grecque, Platon. La thématique de son étude était intitulée : « La symbolique chez Platon ». Avec Platon, elle pouvait pleinement se consacrer à l’étude de la théorie de la réminiscence — anamnesis — qui repose sur un postulat simple : avant notre naissance, notre âme a séjourné dans d’autres mondes où elle a pu à loisir contempler les « Idées » dans tout l’éclat de leur perfection. C’est ainsi que l’on peut évoquer l’Idée de Justice, de Beauté, d’Harmonie, et, en haut de la hiérarchie, l’Idée de Bien. La naissance dans le monde, c’est-à-dire l’entrée dans un corps en proie à toutes sortes de désirs contradictoires, est pour l’âme un choc qui provoque l’oubli presque intégral de tout ce qui est antérieur à cette naissance. En fait, l’homme dispose déjà en lui de toutes les vérités, mais il l’ignore. Celles-ci sont présentes de toute éternité dans l’âme humaine, ce qui inclut nécessairement l’immortalité de l’âme. Il n’y a donc en définitive aucune différence entre se « re-souvenir » et « con-naître » : l’âme connaît déjà tout dès la naissance et l’ignorance ne peut être qu’un oubli ponctuel.

Pour illustrer la situation de l’homme sur terre, Platon développa dans La République une représentation symbolique connue sous le terme d’ « allégorie de la caverne ». Les habitants de la caverne que nous décrit Platon prennent pour le réel ce qui n’est en fait que le reflet d’une image. Enchaînés les uns aux autres, ils sont dans l’illusion totale. Ils symbolisent les hommes prisonniers du monde sensible qui n’est qu’un trompe-l’œil. Platon nous montre qu’il est possible d’accéder à la connaissance du Monde réel en se libérant de ses chaînes et en sortant de la caverne. Cette symbolique platonicienne fournissait à Eva beaucoup de réponses théoriques à son questionnement. L’intuition première qu’elle avait eue vis-à-vis des vies antérieures trouvait en Platon une forme de démonstration argumentée et structurée. Eva ne pouvait que se sentir confortée dans son désir d’être à l’écoute de son ressenti profond et d’aller jusqu’au bout de sa quête intellectuelle. Cependant, elle se sentait orpheline d’une relation à Dieu dont elle avait pressenti la chaleur au cours de son enfance quand elle communiait dans les églises. Elle aspirait à une nourriture qu’aucun livre ne lui paraissait pouvoir contenir.

Avec la naissance de son premier fils puis l’épreuve de la guerre qu’elle vécut dans la semi-clandestinité du fait des origines juives de son mari, les travaux d’Eva sur la symbolique platonicienne furent suspendus pendant près de 10 ans. Au retour de la guerre, elle réussit le concours d’administratrice au CNRS. Alors qu’elle était directrice du pôle « sciences humaines » du prestigieux établissement public de recherche, elle fut frappée par la découverte de l’œuvre de Mohammed Iqbal. Elle fut irrésistiblement attirée par la dimension universelle de l’islam qui lui apparaissait de façon lumineuse dans la prose et dans les vers d’Iqbal. Suite à ces lectures et après une période d’investigation personnelle, elle choisit de devenir musulmane à l’âge de 45 ans et publia la traduction en français de l’ouvrage majeur d’Iqbal, Reconstruire la pensée religieuse de l’islam, avec une préface du grand orientaliste Louis Massignon.

Iqbal évoquait souvent dans ses écrits la personne de Rûmî dont Eva n’avait jusque là jamais entendu parler. Intriguée par ces citations répétées, Eva entama des recherches pour mieux connaître cette grande figure de l’islam et de la poésie du Moyen Age. Or, à l’époque, rien de sérieux à son sujet n’avait encore été écrit en France. Il n’existait que les traductions de Nicholson en langue anglaise et quelques travaux épars en langue allemande. Eva fut tout de suite profondément touchée par tout ce qu’elle découvrait de l’œuvre de Rûmî et entreprit l’apprentissage de la langue persane pour avoir accès aux textes originaux. Elle abandonna le projet de thèse sur Platon et s’orienta alors tout naturellement vers l’étude de la mystique musulmane au travers de l’itinéraire et de l’œuvre de Rûmî. Ce travail fut consacré par la publication en 1968 de sa thèse sous le titre Thèmes mystiques dans l’œuvre de Djalâl ud-Dîn Rûmî. Cette étude magistrale fit l’objet d’une publication quelques années plus tard sous le titre Mystique et Poésie en Islam : Djalâl-ud-Dîn Rûmî et l’Ordre des Derviches tourneurs parue aux éditions Desclée de Brouwer.

Pour Eva, le passage de Platon à Rûmî ne fut pas du tout une rupture, mais plutôt une continuité et un approfondissement de sa démarche initiale qui visait à percevoir le mystère de la réminiscence – anamnesis. En octobre 1957, elle présenta sa première ébauche de travail sur Rûmî au cours d’une séance au sein d’une société savante parisienne. Dans cette présentation, elle exposait déjà avec clarté la continuité qui lui apparaissait entre Platon et Rûmî :

Rûmî institua le sama’— le concert spirituel — dans l’ordre des Derviches tourneurs qu’il a fondé. Il écrivit : « Plusieurs chemins mènent à Dieu et j’ai choisi celui de la danse et de la musique. »

On a souvent décrit ces séances où les derviches, au son de la flûte — le ney — dansent en un tournoiement qui est celui-là même du Cosmos, la ronde vertigineuse des planètes. La musique elle-même est l’éveil de l’âme, elle crée en elle cet état où la durée s’abolit dans l’instant ineffable, elle l’accorde au diapason de son éternité, car elle la fait se souvenir.

Ce souvenir — le dhikr — […] est l’élément essentiel de la mystique musulmane, le soufisme. Il a pour fondement coranique le mithaq — pacte de la prééternité entre Dieu et la lignée adamique non encore créée — pacte[1] qui lui-même permet la chahada, la profession de foi musulmane, l’attestation de l’Unité de Dieu. Cette proclamation du tawhid, à laquelle tout l’islam est suspendu, prend tout son sens existentiel dans la mystique soufie. Le dhikr, rappel, souvenir de cette Unité, est une anamnesis au sens platonicien et, pour Rûmî et ses disciples, la danse et la musique en sont les moyens privilégiés. Rûmî développe ce thème […] notamment dans l’ouverture célèbre de son Mathnawî, où l’âme, éloignée de son ultime réalité, retrouve dans la musique cet au-delà d’elle-même qui est sa source et sa fin.

Cette continuité entre Platon et Rûmî qu’Eva a rappelé en maintes occasions trouve une trace géographique dans les environs de Konya. Dans son ouvrage Konya ou la Danse Cosmique, Eva s’appuie sur l’historien Aflâkî qui évoque « le monastère de Platon, situé au pied d’une colline, avec une caverne dont sortait un ruisseau d’eau froide. On raconte que Rûmî se rendit à cet endroit et y séjourna 7 jours et 7 nuits ». Le lien profond qui unit Rûmî et Platon est d’ailleurs rappelé dès les premiers vers du Mathnawî qu’Eva traduisit intégralement après plus de 10 années de labeur :

Seul celui dont l’habit est déchiré par un grand amour est purifié de la cupidité et de tous les défauts.
Salut à toi, ô Amour, qui nous apporte tous les bienfaits, toi qui est le médecin de tous les maux,
Le remède à notre orgueil et à notre vanité, notre Platon et notre Galien !
Par l’Amour, le corps terrestre a pris son envol vers les cieux : la montagne se mit à danser et devint agile
.[2]

Avec Rûmî, la dimension de l’Amour rejoint celle de la Connaissance dans un élan de générosité qui puise à la source de la Sagesse éternelle. Eva de Vitray-Meyerovitch a suivi ce sillage avec fidélité jusqu’à son dernier souffle, donnant le plus bel exemple d’un islam authentique vécu avec le cœur.




[1] Et lorsque ton Seigneur tira des reins des fils d’Adam leurs descendants et les fit témoigner contre eux-mêmes, en leur demandant : « Ne suis-Je pas votre Seigneur ? ». Et ils répondirent : « Oui, nous en témoignons ! ». Et ce, afin que vous ne puissiez plus dire le Jour de la Résurrection : « Nous avons été pris au dépourvu ». (Coran VII, 172).


[2] Mathnawi I, 22-25.

Eva de Vitray Meyerovitch : Une chercheuse d’absolu amoureuse de l’islam

Par Marie-Odile Delacour et Jean-René Huleu

Intellectuelle brillante, écrivain, traductrice, chercheur, responsable du département sciences humaines du CNRS après la seconde guerre mondiale, Eva de Vitray Meyerovitch est entrée en islam vers 1950. Une quarantaine d’ouvrages témoignent de sa recherche ardente, parmi lesquels un trésor enfin révélé aux francophones : le « Mathnawi » de Rûmî. Sa parfaite connaissance de la pensée de Mohammad Iqbal lui a permis de trouver sa voie dans un islam ouvert, de paix et d’amour, dont elle est devenue l’une des meilleures ambassadrices.

« Lorsque j’ai fait mes premiers pas vers l’islam, après la lecture du livre d’Iqbal, vous pensez bien que cela n’a pas été facile. J’avais été élevée dans la religion catholique par une grand-mère d’origine anglicane. J’avais un mari juif. J’avais le sentiment de faire quelque chose de fou et j’étais parfois d’autant plus désemparée que je n’avais personne pour me guider… » Dans son livre intitulé « Islam , l’autre visage », Eva de Vitray Meyerovitch confie à Rachel et Jean-Pierre Cartier qui l’interrogent, l’influence qu’a exercé sur elle sa grand-mère anglicane, convertie par amour du catholicisme. Sa grand-mère, leur dit-elle, « était d’une honnêteté foncière…L’idée était de ne jamais tricher ».

Elevée dans une institution de sœurs, elle ressent très vite le poids des mensonges ou des raccourcis trompeurs. Plus tard, devenue docteur en philosophie, proche de Louis Massignon, son inlassable quête de vérité lui fait rencontrer et traduire la pensée de Mohammed Iqbal, philosophe indien intéressé par la rencontre orient-occident.
Ce sont des influences qui comptent, elle fait le choix d’entrer en islam en 1950. Elle explique pourquoi : « L'islam oblige à reconnaître toutes les communautés spirituelles, tous les prophètes antérieurs. L'islam est le dénominateur commun à toutes les religions. On ne se convertit pas à l'islam. On embrasse une religion qui contient toutes les autres ».

Sans doute était-il plus facile de vivre cette expérience peu commune alors, au sein du cénacle des chercheurs. Elle s’entoure de quêteurs de vérité, comme elle, Amadou Hampâte Bâ, Najm Oddine Bammate… Ses missions au Caire, où elle a enseigné à Al Azhar, au Maroc, en Turquie, au Koweit… sont autant de riches expériences du monde arabo-musulman.

Largeur de vue, courage, simplicité, goût du travail bien fait, intelligence généreuse… lui ont permis de dépasser les préjugés et d’ouvrir bien des portes. Elle est bien sûr imprégnée de l’enseignement de Rûmî dont elle entreprend la traduction dans les années soixante dix avec Djamchid Mortazavi. « Une somme spirituelle, une comédie humaine et divine,l’apogée de la mystique musulmane, » écrit-elle dans son introduction. En 1990, après quinze années de travail, le public francophone a pu en fin avoir accès à cette œuvre majeure de l’islam, le « Mathnawi », exégèse du Coran, authentique enseignement composé de 50 000 vers, invite à la fois ludique et savante à la perplexité, la réflexion, la remise en cause de ses comportements. Œuvre presque indispensable aux « cheminants ».

Décédée en 1999, Eva de Vitray Meyerovitch laisse derrière elle une trace lumineuse de compréhension de l’Orient musulman et une voie d’accès au bel islam. Son œuvre permet aujourd’hui à de nombreux Occidentaux d’en comprendre la portée et l’importance pour l’humanité, bien au-delà des discours stéréotypés des média.

dimanche 30 janvier 2011

Compte rendu du voyage à Konya par les membres de l'association des amis d'Eva de Vitray Meyerovitch

Une délégation de cinq personnes ayant bien connu Eva de Vitray-Meyerovitch ou son œuvre s’est rendue à Konya les 10 et 11 décembre 2010 à l’invitation du gouvernement de la République de Turquie et de la municipalité de Konya, par l’intermédiaire de l’Ambassade de Turquie à Paris et principalement de l’Attaché culturel, le docteur Hasan Yavuz, qui accompagna la délégation et veilla au bon déroulement de ces jours inoubliables.

Une vingtaine d’amis de Rûmî venant de France, de Suisse, d’Allemagne et d’Algérie avaient choisi de nous rejoindre et de nous accompagner.

Le premier jour, en matinée, eut lieu le colloque Eva-de Vitray animé par le docteur Yavuz en présence des autorités.

Cheikh Khaled BENTOUNES guide spirituel de la tarîqa ‘Alawiyya souligna l’importance de ce travail de traduction qui fit connaître le message universel de Rûmî tant en Occident que dans le monde musulman : «  Eva dans l’intimité de Mevlana »

Eric GEOFFROY, professeur islamologie et soufisme à l’Université de Strasbourg : « Une interprétation spirituelle de l’univers.»

Jean-Louis GIROTTO ingénieur chercheur, écrivain s’est attaché à souligner le lien d’Eva avec Platon: « L’itinéraire d’Eva de Vitray de Platon à Rûmî »

Fatima BARKAOUI (représentant l’Association des Amis d’Eva de Vitray) exprima sa gratitude envers Eva dont le livre L’islam, l’autre visage, apaisa tout son questionnement :«  Le bel islam dans l’œuvre d’Eva de Vitray »

Colette-Nour BRAHY, linguiste, artiste raconta ses entretiens personnels avec Eva de Vitray pendant « Les dix dernières années » de sa vie.

L’après-midi fut consacré à la visite du splendide et si vivant mausolée de Rûmî. Puis, en compagnie de Madame Esin Bayru Celebi, nous sous sommes recueillis sur les tombes de Sefik CAN et d’Eva de Vitray au Cimetière des trois saints.
Enfin, nous sommes allées saluer Sadr-od-din Konyawi contemporain de Mevlana et disciple du grand ibn Arabi qui repose parmi les roses à ciel ouvert, le vœu de ce savant étant de n’avoir aucun voile entre le ciel et lui. Charmante anecdote.

Nous assistâmes en soirée à la danse des derviches tourneurs du Centre culturel Mevlana.

Le lendemain, 11 décembre, nous nous sommes promenés dans le village de Sille, jadis importante ville byzantine, qui conserve encore des vestiges de temples creusés dans la roche et une église, Aya Elena. Puis nous avons visité le modeste mausolée de Ates Bazi Veli près de Meram où nous avons mangé les célèbres pizzas de près d’un demi mètre de long. Ates Bazi était le cuisinier de Rûmî et l’on raconte l’anecdote suivante à son propos. Un jour qu’il manquait désespérément de bois Rûmî lui conseilla (ou il eut l’inspiration) de mettre son pied dans la flamme. Ainsi alimenté, le feu lui permit de finir ses cuissons. Mais lorsqu’il retira son pied, il s’aperçut qu’il avait une petite brûlûre. De honte, il cacha la blessure au moyen de son autre pied. Depuis lors, en souvenir de ce saint homme, les derviches, dit-on, posent le pied de la même façon pour
commencer la danse des astres.

C’est sous la neige qui s’était mise à tomber à gros flocons que nous avons terminé cette journée en visitant quelques uns des plus remarquables monuments seldjoukides de Konya : la mosquée Alaadin, la plus ancienne de Konya (1221sous Keykobat I), la medersa Ince Minare qui abrite depuis 1956 le musée de la sculpture sur bois et sur pierre avec son très beau portail et son beau minaret, la medersa Karatay transformée en musée de la céramique en 1955 (construite en 1251 par l’émir Karatay à l’époque du sultan Izzetin Keykavus II), le Musée archéologique et la medersa Sirçali musée des Monuments funéraires seldjoukides.


INTERVENANTS* :

1. Cheikh Khaled BENTOUNES guide de la tarîqa Alawiyya : «  Eva dans l’intimité de Mevlana »

2. Eric GEOFFROY, professeur islamologie et soufisme à l’Université de Strasbourg : « Une interprétation spirituelle de l’univers. D’Eva à Rûmî: la médiation de Mohammed Iqbal (m.1938) ».

3. Faouzi SKALI, anthropologue, écrivain : «  Eva de Vitray ou la rencontre des deux rives » (absent)

4. Jean-Louis GIROTTO ingénieur chercheur, écrivain :« L’itinéraire d’Eva de Vitray de Platon à Rûmî »

5. Fatima BARKAOUI : «  Le bel islam dans l’œuvre d’Eva de Vitray »

6. Nour BRAHY, linguiste, artiste, amie d’Eva : « Les dix dernières années »